[dropcap size=big]S[/dropcap]eule arrivée au sommet alpine de ce Tour de France 1991, l’Alpe d’Huez était attendu comme l’épouvantail de l’épreuve et représentait une occasion de déstabiliser Miguel Indurain pour ses adversaires. Vainqueur sur cette même ascension en 1990, Gianni Bugno comptait utiliser ce terrain pour attaquer le maillot jaune de ce Tour. Sur une étape très courte, 125 kilomètres, avec les ascensions du Col Bayard à la sortie de Gap, puis du col d’Ornon sur la route Napoléon, l’explication entre les gros bras s’en tenait à une course de côte sur les vingt et un virages de la montée finale. Nous assistions finalement à une montée peu spectaculaire de l’Alpe d’Huez en terme d’attaques, mais marquée par un énorme travail de Jean-François Bernard en faveur d’Indurain. Bien avant l’équipe SKY, la Banesto pouvait se targuer d’avoir des coureurs dignes d’être leader en guise d’équipier de luxe.

Un magnifique Saint Bernard

Dans les minutes précédant le départ de Gap, l’équipe Ariostea (une des plus dynamiques de ce Tour) renouait avec le poisse après une douce euphorie durant les trois dernières étapes qu’elle remporta. Vainqueur la veille, Marco Lietti chuta sévèrement en percutant un véhicule de la caravane publicitaire, alors qu’il voulait éviter un enfant. Bilan, fracture de la clavicule et du fémur pour l’italien. Comme en début de Tour avec le maillot jaune et l’abandon de Sörensen, l’équipe italienne nous refaisait le coup de l’ascenseur émotionnel.

Exceptionnel Jean-François Bernard sur cette montée de l'Alpe d'Huez (Photo: Presse Sports) — Exceptionnel Jean-François Bernard sur cette montée de l’Alpe d’Huez (Photo: Presse Sports)

Une malheureuse anecdote dans le scénario de cette étape longtemps ouverte par deux baroudeurs, le basque Pello Ruiz-Cabestany et le local de l’étape, l’isérois Thierry Bourguignon qui virent leur fugue mourir sur les premiers des vingt et un lacets de l’Alpe d’Huez. De cette ascension, on allait retenir les attaques de Gianni Bugno, seul parmi les adversaires d’Indurain capable d’accélérer. Mais le champion d’Italie devait se faire une raison rapidement et se rabattre sur le gain de l’étape. Non pas qu’il était dans un mauvais jour, loin de là, mais tout simplement parce que Miguel Indurain pouvait compter sur un formidable Jean-François Bernard. Le nivernais assura d’abord le train sur le pied de l’ascension, en menant un train asphyxiant Chiappucci et tous les grimpeurs et condamnant LeMond, Fignon ou encore Mottet. Plus que jamais « Jeff » fut l’homme de cette ascension, un temps lâché, il trouvait les ressources pour revenir et tirer un ultime bout droit assurant à Indurain de ne compter que Bugno et un formidable Luc Leblanc dans sa roue. Ce furent ces trois là qui devaient se disputer l’étape, Bugno impérial réglant Indurain et Leblanc, ce dernier gêné par un spectateur mais qui revint sur le duo de tête dans les derniers kilomètres. Derrière on tentait de limiter les dégâts, Chiappucci distancé pour l’étape grimpait sur un podium duquel Mottet se retrouva éjecté. LeMond conservait sa cinquième place mais voyait le duo de Castorama, Leblanc et Fignon revenir à quelques secondes. Il restait encore une longue étape vers Morzine pour tenter de faire bouger les lignes au classement général, mais nous ne savions pas encore que l’Alpe d’Huez venait de constituer la dernière bagarre de ce Tour de France 1991.