Cher Thierry
Autant vous le dire tout de suite, je ne fais pas parti de ceux qui goûtent avec plaisir à vos prestations. Je dois même avouer que c’est à cause de celles-ci que je ne regarde plus le cyclisme sur France Télévisions, au profit des chaînes thématiques depuis plusieurs années, même si j’ai pu faire exception parfois. Cette semaine, le microcosme médiatico-cycliste a été animé par les rumeurs de votre éviction de votre poste commentateur du Tour de France, que vous occupez depuis maintenant dix ans, soit une longévité quasi égale à celle de Patrick Chêne (qui commenta le Tour de 1989 à 2000). Je dois avouer que votre réaction face à ces rumeurs m’a surpris, dans le sens où j’ai du mal à croire que vous ne puissiez pas douter de ce que l’on peut vous reprocher. Comme en témoigne d’ailleurs vos déclarations au journal l’Équipe daté d’hier: «Évidemment je veux avoir des explications, savoir ce qu’on me reproche. Moi, je m’appuie sur les chiffres (d’audience),mais je peux tout entendre, tout écouter »
Pardon de vous le dire, mais sur ce point il me semble que vous faites fausse route. Si les audiences sont élevées, c’est surtout parce que les amoureux de vélo ne font pas comme ceux du ballon rond qui eux, n’hésitent à casser leurs tirelires pour s’abonner aux chaînes thématiques payantes. Autre point, vous n’ignorez pas non plus combien le grand public répond présent devant cet événement sportif majeur sur notre territoire qu’est le Tour de France, ce qui a une incidence évidente sur les parts de marché si chères aux chaînes de télévisions.
Sans aller vers le bashing que vous avez pu subir ces dix dernières années (en cela, j’admire votre capacité à en faire abstraction, car parfois cela vire à de la méchanceté gratuite), je veux bien vous aiguiller sur ce qui vous manque pour faire de vous ce commentateur vélo de référence : la culture cycliste ! Bon, reconnaissons que vous n’avez jamais revendiqué quelconque légitimité à ce niveau-là. Comme vous le confiez d’ailleurs dans Vélo Magazine en juillet 2010, lorsque vous racontiez votre promotion en 1999 au poste d’adjoint de Jean-René Godart, (responsable à l’époque du cyclisme sur France Télévisions) : « Je n’étais pas du sérail, je n’avais jamais couru, ce qui dans le vélo est tout de même un handicap. Donc, j’ai dû parler avec beaucoup de gens, notamment Bernard Thévenet (NDLR consultant numéro un sur France TV à l’époque), avec qui on a beaucoup échangé. » Mais que voulez-vous cher Thierry? Nous autres les amoureux transis du cyclisme, nous avons été éduqué aux commentaires de Robert Chapatte, Jean-Paul Ollivier ou encore de Christian Prudhomme, un de vos prédécesseurs, dont l’érudition était remarquable. Non, vous vous réclameriez peut-être plus d’un Patrick Chêne (qui à la tête du service des sports de France Télévision est celui qui vous repéra avant de vous faire évoluer en 1998), dans l’art de mettre en valeur vos interlocuteurs à l’antenne, en particulier les consultants qui ont œuvré à vos côtés (Bernard Thévenet, Laurent Jalabert, Laurent Fignon ou Cédric Vasseur), avec le sentiment laissé parfois d’en faire d’ailleurs un petit peu trop.
Pourtant, vous avez fait preuve d’une bonne volonté, j’en veux pour témoin cette idée de questionnaire que vous aviez adressé à l’ensemble du peloton français, lors de votre promotion avant le Tour de France en 2007, pour faire le plein d’anecdotes afin d’enrichir votre commentaire. Si vous n’étiez pas comme vous le dites du sérail, vos années sur la moto-son auprès des coureurs ou en encore a arpenter quelques épreuves à travers la France pour le compte de l’émission quotidienne de France 3, Tout le Sport, vous ont permis de mieux les connaître à défaut de tout savoir sur leurs aînés. Revers de la médaille, ce travail de longue haleine, déboucha sur ce surnom de « wiki-Thierry », les internautes prenant là pour cible cette énumération mécanique dont vous pouviez faire preuve lorsque vous abordiez les palmarès ou caractéristiques des coureurs dont vous parliez à l’antenne. Enfin, vous n’avez pu échapper à la mise en place sur les réseaux sociaux, du fameux « Bingo Thierry Adam », regroupant là les principaux poncifs que vous pouviez user à l’antenne. Vous me permettrez ici de pendre votre défense, car si on peut avoir l’impression que vous détenez le monopole d’expressions type « il pleut sur la route du Tour » ou encore « le club des cinq », mes différentes VHS à la maison pourront témoigner que vos prédécesseurs en ont dégainés quelques-uns y compris ceux que je viens d’énumérer. Comme quoi, sur internet on peut avoir la mémoire courte. Finalement, vous avez certainement raison de faire abstraction de tout ce que l’on peut dire sur les réseaux sociaux…
Enfin cher Thierry, bien que je ne sois donc pas emballé par vos commentaires, j’espère que votre hiérarchie agira avec classe, quelque soit la décision qu’elle pourra prendre à votre égard. Car comme quelques confrères ont pu le dire dans les coulisses de la zone technique sur le Tour de France il y à quelques années déjà: « Titi, il n’est pas bon. Mais, c’est un mec très sympa, plutôt humble et il sait lui-même qu’il n’est pas le meilleur. » Et pour un mec sympa et humble, même si on aime pas son travail, on a toujours un peu de compassion.