Ce dimanche les Pays-Bas fêtent les 50 ans de leur classique printanière, l’Amstel Gold Race. Née sous le patronat d’une grande marque de bière, cette épreuve s’est très vite imposée parmi les classiques qui comptent dans un palmarès. Remportée en 1966 par Jean Stablinski, l’épreuve batave comptent parmi ses vainqueurs de beaux spécimen, avec pêle-mêle, Eddy Merckx, Gerrie Knetemann, Freddy Maertens, Jan Raas (recordman des victoires avec cinq éditions dans son escarcelle, ce qui valut de rebaptiser la course, l’Amstel Gold Raas), Bernard Hinault, Joop Zoetemelk (à 40 ans !), Johan Museeuw, Michele Bartoli, Damiano Cunego ou encore Philippe Gilbert. Présentée, à tort, comme une ardennaise, l’Amstel Gold Race demeure une curiosité dans une période de l’année où les monuments du printemps cycliste nous font vibrer. Et c’est qui fait peut-être là bien son charme.
Une Ardennaise refoulée…
Depuis une dizaine d’années, nombreux sont les commentateurs et autres journalistes à faire de l’Amstel Gold Race une classique ardennaise. Remettons l’église au milieu du village, non la classique néerlandaise n’est pas une ardennaise. D’une part parce qu’elle se déroule dans la région du Limbourg, au sud des Pays-Bas, à proximité des frontières belges et allemandes et d’autre part parce que ses côtes (très nombreuses puisqu’on en dénombre une trentaine), ne ressemblent en rien à celles qui jalonnent le parcours de Liège-Bastogne-Liège. Néanmoins, assimiler l’Amstel à une ardennaise n’est finalement qu’un phénomène récent, datant de 2003 et du changement de date dans le calendrier international. Cette année-là, l’Union Cycliste Internationale décida, dans le cadre de l’ex-coupe du monde, de caler la classique du Limbourg entre Paris-Roubaix et Liège-Bastogne-Liège, alors qu’auparavant cette dernière se déroulait une semaine après l’enfer du Nord. Les organisateurs hollandais en profitèrent pour remodeler le parcours de la course dont l’arrivée se situait jusque-là à Maastricht (où le 7 février 1992 fut ratifié le traité sur l’Union Européenne, constitutif de celle-ci), pour la déplacer au sommet du Cauberg à Valkenburg. Ainsi, l’organisation espérait dynamiser le final de la course et éviter un regroupement qui permit à Olaf Ludwig en 1992 ou Erik Zabel en 2000 de s’imposer en réglant au sprint un groupe compact. Avec sa montée finale de 1200 mètres, d’une déclivité moyenne de 6 pour cent et un passage maximum de 12 pour cent, l’Amstel ouvrait donc à partir de 2003 une série de classique dont l’arrivée se juge au somment d’une côte, en précédant la Flèche Wallonne et son mur de Huy de trois jours et Liège-Bastogne-Liège et son arrivée à Ans d’une semaine. Des finals s’adressant donc aux puncheurs, dont certains comme Davide Rebellin (2004) ou Philippe Gilbert (2011) se sont offert le luxe de gagner l’Amstel, la Flèche et la Doyenne consécutivement. Des triplés inédits, instaurant peu à peu donc, l’idée d’un triptyque ardennais dans l’inconscient des suiveurs.
…aux allures de Flandrienne
On l’a vu, si avec le Cauberg juge de paix de l’Amstel depuis 2003 (avec toutefois une modification du final depuis 2013 où la ligne d’arrivée a été repoussée deux kilomètres après le sommet de la bosse), la classique hollandaise est donc devenu pour certains, une ardennaise par défaut, alors que l’Amstel Gold Race présente pourtant des allures de Flandrienne. Comme sur un Tour des Flandres ou un Grand Prix E3, les côtes qui hérissent le parcours de l’Amstel sont souvent très courtes et la plupart du temps très pentues, à ceci près qu’en Flandres on y trouve des pavés, absents sur la classique batave. Et comme sur un Tour des Flandres, cela frotte terriblement sur l’Amstel afin d’être le mieux placé au pied de montées comme l’Eyserbosweg, le Fromberg, le Keutenberg ou encore le Cauberg. C’est ce qui la différencie finalement d’un Liège-Bastogne-Liège ou d’une Flèche Wallonne où là, ce sont les côtes plus longues et accentuées par un enchaînement sans répits qui usent les organismes et écrèment le peloton. Enfin, comme sur les Flandres, il faut être habile sur son vélo pour rester sur sa selle dans l’Amstel. Entrées de villes et villages scabreuses, coureurs usant des trottoirs pour remonter la file, la vie du peloton dans le Limbourg s’apparente assez facilement que celles les flahutes se livrent plus au nord. A ceci près que souvent les puncheurs n’ont pas l’habileté des guerriers flandriens, en témoignent quelques chutes comme celle de Franck Schleck en 2007.
Une consolante devenue trait d’union
Le positionnement de l’Amstel apparaît finalement donc comme ambigu, hésitant entre donc entre la topographie d’une flandrienne et un final d’ardennaise. Finalement et plus encore depuis son changement de date, elle opère la transition entre les flandriennes et les ardennaises. Mais avant cela, l’Amstel était une sorte de consolante pour ceux qui avaient raté le coche sur les Flandriennes ou les Ardennaises, comme en témoignent les victoires de Museeuw en 1994 ou Bartoli en 2002. Ce dernier symbolise finalement ce trait d’union qu’est l’Amstel entre un Tour des Flandres et un Liège-Bastogne-Liège en s’imposant sur chacune d’elles. L’italien n’est pas le seul, dans le même registre nous trouvons évidemment Eddy Merckx. D’autres comme Walter Planckaert, Jan Raas ou Museeuw possèdent le Ronde et l’Amstel sur leurs cartes de visites, tandis que Roger Pintens, Bernard Hinault, Eric Van Lancker, Adri Van der Poel, Mauro Gianetti, Davide Rebellin, Alexandre Vinokourov ou Danilo Di Luca, eux, affichent la doyenne et l’Amstel à leurs tableaux de chasse.
Cinquante après sa création, l’Amstel peine donc à trouver une identité propre à son histoire, un paradoxe finalement quand on voit son palmarès que ne renierait pas un monument. C’est ce qui fait certainement son charme et ce qui nous conduit à la suivre chaque année avec intérêt.