[dropcap size=small]U[/dropcap]ne journée très riche le week-end dernier pour Le Dérailleur du côté du Grand Prix d’Isbergues marqué par la splendide victoire d’Arnaud Démare au nez et à la barbe de Degenkolb qui portera d’ailleurs réclamation, en vain.

Direction Isbergues

Une petite heure pour quitter la métropole lilloise et s’engouffrer dans la verte campagne des Isberguois, pas étonnant lorsque l’on apprend que cette zone laissait place à un immense marais avant l’industrialisation massive du XIXème siècle et le drainage d’une grande partie des nappes. Oui, Isbergues a évolué avec le développement industriel du bassin minier mais ça, c’était avant.

Nous débarquons donc alors que la ville dort encore (ou presque), un bref repérage des lieux, un passage par la permanence où nous sommes très bien accueillis par David Dupont qui nous relate le fait que depuis l’annonce de la participation de Gilbert, les sites internet voulant suivre la course sont devenus légion. Pour l’anecdote, nous étions les premiers. Pas besoin d’une ou deux figures de proue pour profiter d’une course comme le GP d’Isbergues même si le résultat est là… Comme nous le verrons, l’affluence record n’était pas sans lien avec la participation de Gilbert ou un certain Thomas Voeckler. Le village partenaires est bien agencé, on fait notre petit tour entre les officiels, l’organisation qui s’agite et la presse qui se prépare tout doucement. On profite des stands du terroir, car oui, le terroir, c’est important. La gendarmerie n’est pas présente que pour la sécurité de course puisqu’elle propose dans le village des démonstrations de son simulateur de conduite. Bref, de quoi s’occuper un peu en attendant le plat de résistance : le Grand Prix d’Isbergues.

Les joies du protocole

L’heure approche et tout le monde se rue au pied du podium pour la présentation des équipes. Ce sont les coureurs de la formation Joker Merida qui font office de lève-tôt. Ils sont accueillis par l’incontournable Daniel Mangeas alias « l’encyclopédie vivante de la caravane ». Les années passent mais sa verve reste intacte et ce ne sont pas les bons mots sur les hôtesses du jour, Candice Caron et Mathilde Duriez, qui manqueront à cette voix que l’on connaît tous. Bref, si les coureurs montent sur le podium, c’est pour le charme de Candice, s’ils en redescendent, c’est pour suivre Mathilde… Après 19 équipes, je vous assure que l’on s’y fait. Les équipes se succèdent donc, le public est au rendez-vous et le soleil en profite pour se découvrir, il ne fait nul doute que l’événement est d’ores et déjà une réussite. Certaines formations sont plus attendues que d’autres et les pointures du peloton se retrouvent sous le feu des projecteurs. Thor Hushovd, Philippe Gilbert, Thomas Voeckler, voilà trois noms qui semblent ravir particulièrement le public.

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Thomas Voeckler vient de signer, est-il prêt à tenter quelque chose aujourd’hui ?

Pourtant et malgré les déclarations d’avant-course de Ti-Blanc, on se doute bien que l’on retrouvera une arrivée au sprint massif dans les rues bondées d’Isbergues d’ici quelques heures. On garde à l’œil des coureurs comme Degenkolb, le tenant du titre, ou les français Démare, Coquard sans oublier Adrien Petit après sa solide Vuelta. Un petit clin d’œil à Nicolas Vogondy, double champion de France sur route (2002, 2008) mais aussi champion du CLM en 2010, cela fait toujours plaisir de le croiser lors du départ. Nous n’oublions pas la mention spéciale à la Team Euskaltel-Euskadi, nous étions heureux de voir les maillots orange ce week-end en se disant qu’ils n’ étaient pas passés loin de la catastrophe… Malheureusement, nous avons appris cette semaine que Fernando Alonso n’investirait pas dans la formation basque.

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Un soulagement de retrouver Euskaltel sur l’épreuve, soulagement de courte durée après l’annonce cette semaine de l’échec de la reprise de la formation par Fernando Alonso… Tout ça pour ça.

Lors de la présentation, Daniel Mangeas en profite pour mettre en avant la présence d’un ancien cycliste que vous connaissez certainement : Henri Duez, Pro chez Peugeot et vainqueur de la Route du Sud 1959 et du Tour de Catalogne 1961.  La présentation touche à sa fin et la formation BMC débarque. Un vent de ferveur s’empare à la vue du maillot de champion du monde de Philippe Gilbert. Le belge semble détendu et plaisante avec ses collègues tandis que les journalistes s’amassent devant lui. Thor Hushovd lui prend le parti de s’écarter de la ferveur médiatique et nous le retrouvons donc posé et serein en attendant d’aller apposer sa signature sur la liste des partants. Rien à dire, le norvégien impose le respect. Les fusées de la Team Argos ne semblent pas avoir enclenché le réacteur. La troupe débarque en dernier avec un Degenkolb, pressé d’en découdre.

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Niveau pilosité, Degenkolb a un petit côté Sagan ou l’inverse ?

C’est parti ! La foule se rue vers la ligne de départ à quelques mètres de là. Lorsque l’on voit le mouvement, on confirme que les spectateurs sont bel et bien au rendez-vous. Nous nous retrouvons au pied du podium où Daniel Mangeas exerce son talent pour accompagner le départ de cette 67ème édition du Grand Prix. Le peloton s’installe sur la chaussée : c’est le moment des derniers réglages. Les attitudes diffèrent, certains se concentrent et semblent dans leurs bulles tandis que d’autres plaisantent entre eux. On sent que le plaisir de se retrouver est là. Un plaisir de courte durée puisque le départ est donné : un départ fictif avec un premier tour de circuit en mode « gala » pour rassasier les badauds avant d’attaquer le départ réel, un nouveau départ arrêté.

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Sur la ligne de départ, nous retrouvons l’australian Jonathan Cantwell, très concentré.

Le 67ème GPI est lancé

Ça y est, la course est officiellement lancée et le premier passage sur la ligne se fait à vive allure pour les 155 unités qui constituent le peloton. De notre côté, on commence déjà à pronostiquer avec nos voisins, du moins pour la formation de l’échappée du jour. « Il y aura forcément un Roubaix Lille Métropole devant, tu verras, je sens bien une tentative de Rudy (Kowalski) ». Je n’étais pas passé si loin puisque après un second passage devant nous, les fuyards tentent le coup en les personnes de Julien Duval (RoubaixLM), Van Avermaet (BMC), Joearr (Cofidis), Vimpère (BigMat) et Borgensen (TJM). Ils seront donc cinq pour animer cette journée isberguoise. Après un dernier tour de piste sous les encouragements du public, il est temps pour les hommes de tête et leurs poursuivants de s’engouffrer sur les routes de ce parcours au sud d’Isbergues. Un tracé qui propose plusieurs monts et routes de campagnes sinueuses voire piégeuses selon les conditions météos mais le temps mitigé parviendra finalement à se maintenir.

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Le Grand Prix d’Isbergues est officiellement lancé, les routes artésiennes s’offrent au peloton.

Un peu comme l’avance du groupe de tête, ces derniers grappilleront jusque 7 minutes avant les premières bosses du jour. Pourtant, l’allure est menée tambour battant puisque l’on apprend que la moyenne est jusqu’alors de 47km/h. Ces messieurs les coureurs seraient-ils pressés de retrouver le circuit et le public d’Isbergues ? Peut-être aussi et surtout l’enjeu de cette avant dernière manche de Coupe de France… En effet, ce sont les équipes ayant une carte à jouer qui mènent dorénavant la poursuite : Europcar pour Bryan Coquard et la FDJ.fr pour Anthony Geslin, une bataille made in France donc. Non, non, le terme n’est pas encore déposé par Arnaud Montebourg alors profitons-en ! C’est sous cette nouvelle impulsion et face à l’amoncellement de côtes que l’écart va commencer à fondre comme neige au soleil. Le groupe de tête commence à souffrir et ce sont Vimpere et Borgensen qui en payent les frais du côté d’Estrée-Blanche, là où passait la voie Romaine, connue par ceux du coin comme la Chaussée Brunehaut. Quelques minutes plus tard, le français et le norvégien seront avalés par le pack où les gaillards de chez Argos-Shimano sont bien décidés à mettre en orbite leur fusée, alias Degenkolb, qui ne serait pas mécontent de garder son titre acquis devant Van Hummel et Poulhiès la saison dernière.

En coulisse, nous quittons ce que nous avons baptisé notre « stand de presse » où nous avons pu suivre la course en buvant un petit canon (comme on dit là-bas)… En observant le bal des invités à la lutte pour accéder à « la cantine »… Tout simplement, en profitant de l’ambiance si particulière que l’on ne peut connaitre qu’en étant déjà allé dans un village cycliste. L’ambiance était là et ce n’est pas du côté du stand de la radio Banquise FM que l’on nous dira le contraire. Merci à eux de nous avoir relayé l’information de course, une équipe qui nous a paru vraiment sympathique pour une radio qu’il l’est toute autant. Mais il est temps pour nous de rallier de nouveau la ligne d’arrivée, de se délecter de la culture de course de Daniel Mangeas, en attendant les forcenés du jour. Car oui, ils restent encore trois hommes en tête à l’entrée du circuit d’Isbergues.

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Il ne reste plus que trois hommes en tête lors du retour sur le circuit d’Isbergues et leur avance fond comme neige au soleil.

La tête de course passe devant nous, emmenée par un Joearr très impressionnant. Julien Duval est toujours là et mon voisin lance « c’est un pistard, c’est un pistard, il peut tenir ». Notre regard se pose fébrilement sur le compteur : une minute d’avance, une minute et 55 secondes, peut-être que c’est jouable, ça paraît tout de même très difficile étant donné la folle allure du peloton. A leur passage sur la ligne, on a l’impression que l’on va s’envoler tant le rythme est soutenu. Je vous rassure, personne ne s’est envolé ce jour là à Isbergues…Ou presque, nous y reviendrons dans quelques instants… Avec une grande lucidité, Julien Duval finit par se relever. Ses deux camarades seront eux-aussi contraints d’abandonner leurs espoirs. A chaque tour de circuit, l’écart chutait inlassablement… Merci aux courageux du jour ! Derrière nous, une dame se plaint à propos de Daniel Mangeas :  « il ne parle jamais de Gilbert, il est où Gilbert ». Comme si ce dernier avait la moindre chance de l’emporter aujourd’hui.

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Les trains se mettent en place, ça roule très fort pour revenir sur les fuyards et mettre en orbite Coquard et Démare côté français.

Place aux sprinteurs ! À ce jeu là, c’est Arnaud Démare qui s’envole (oui, oui c’était bien lui dont on parlait précédemment) et décroche la victoire sans trembler. Une incroyable vélocité du Picard qui a pris la bonne habitude de briller sur les routes nordistes : Denain, les 4 jours de Dunkerque, tandis que son collègue Nacer Bouhanni s’était adjugé le Grand Prix de Fourmies. Démare devance le moustachu John Degenkolb et Jempy Drucker… Normal, c’était dimanche et un dimanche sans Drucker, vous me le concèderez, n’en est pas vraiment un. L’allemand portera réclamation et nous fera attendre dix plombes les podiums, il aurait été poussé par Arnaud… Une réclamation bottée en touche.

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Philippe Gilbert est certainement déjà en Toscane.

Le très observé Philippe Gilbert termine cinquième de l’épreuve sans prendre de risque puisque l’on sait que son objectif est désormais du côté de la Toscane et de Florence où son titre semble promis à de nombreux adversaires.

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Arnaud Démare, tout sourire. Qui ne le serait pas accompagné de Candice et Mathilde (merci Daniel pour l’inspiration).

C’est le moment tant attendu des podiums où Arnaud Démare rayonne de joie (on va finir par se demander s’il est normal d’avoir le sourire H24… Arnaud si tu nous lis rassure-nous, tu boudes parfois ?). Pas de souci de ce côté là avec Degenkolb qui semble visiblement déçu d’avoir lâché son titre au français, tandis que Drucker savoure sa troisième place ou peut-être la proximité des hôtesses… Daniel Mangeas n’aurait pas dit mieux ! On en profite pour saluer Julien Duval, le dynamiteur du jour, lui, qui aura animé vaillamment une course pourtant promise aux sprinteurs. Bryan Coquard (8ème) a l’air morose, il est pourtant leader de la Coupe de France avant la dernière manche en Vendée, le 6 octobre. Cela se jouera dans un mouchoir de poche : seulement 5 points séparent Coquard de son dauphin Anthony Geslin.

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Ce fut une journée compliquée pour Europcar, Bryan Coquard signe une timide 8ème place mais parvient, tout de même, à récupérer la tête de la Coupe de France.

Voilà, ça sent la fin… Après les podiums, nous faisons connaissance avec des personnes très sympathiques, elles se reconnaitront… Car oui, lors de cette journée à Isbergues, c’était bel et bien la passion qui était le maître mot ! La passion de la petite Reine est intacte, le cyclisme demeure un sport ouvert et populaire, et cette journée en est un très bon exemple.

Merci Isbergues et à l’année prochaine !