Quel plateau pour ce Tour d’Espagne 2015 ! Une 70ème édition pleine de grands noms, parmi lesquels on retrouve le podium du Tour de France. Un plateau très dense, qu’Arthur Pineau va nous analyser dans un premier temps. Ensuite, la rédaction du Dérailleur se mouillera pour vous donner ses favoris, ainsi que ses pépites à suivre tout au long de ses trois semaines.

Une pléiade de favoris

Arthur Pineau

Froome tentera un doublé cette année, sur une course où sa carrière à réellement décollé en 2011. Cette année, la concurrence sera très rude. Quintana, Valverde seront de la partie, avec l’espoir de faire mieux que le mois dernier sur les routes de la Grande Boucle. On retrouve également des coureurs tels que Rodriguez et Van Garderen, des vaincus du Tour qui comptent se refaire la cerise sur ce dernier grand tour de la saison. Pour moi, Froome ne gagnera pas. Sa décision de s’aligner au départ de cette Vuelta a été prise assez tard, et il est difficile de savoir quel est son état de forme actuel. S’il s’agit du même que celui qu’il affichait à la fin du Tour, ce que je pense, il ne fera pas le poids face à d’autres.

Ensuite, il y a la Movistar, et là, je pense que c’est plus sérieux. On a Valverde et Quintana, et la question sera qui va être leader ? Dans son pays, Valverde aura sûrement un visage bien différent de celui de juillet, avec des offensives plus fréquentes, à ne pas en douter. Je le vois plus que Quintana attaquer. Ensuite, on a un autre Espagnol, Purito. Souvent malheureux, il ne sera peut-être pas plus chanceux car ses plus belles années sont derrière lui maintenant, mais on peut toujours compter sur lui pour dynamiter la course.

Et puis, je n’oublie pas que la Vuelta est le terrain des déçus du Tour. Van Garderen en fait partie, lui qui a dû abandonner alors qu’il était troisième du général. Il fera partie des coureurs à suivre, tout comme Nibali, Aru et Landa. Les deux coureurs d’Astana vont se montrer eux aussi, et avec Landa et Aru à ses côtés, je pense que Nibali voudra montrer qu’il n’a pas le même état de forme que sur le Tour. Il faudra se méfier du Requin de Messine ! Le vainqueur de cette Vuelta se trouve parmi ces hommes pour moi, et je miserais sur un Nairo Quintana quand même, car les grosses chaleurs comme en Espagne, les montées difficiles, il connait. Ce qui peut lui faire le plus peur, c’est le chrono à Burgos lors de la 17e étape. Il remporterait son deuxième grand tour après le Giro en 2014.


NOS FAVORIS !

Photo : Team Astana

Mikel Landa

Sergeï Gautier

Probablement le plus fort en mai sur le Giro, il a laissé échapper le Tour d’Italie au profit de son compatriote Contador, car les consignes d’équipe l’obligeaient à attendre Aru. Mais sur cette Vuelta tout sera différent : il est dans son pays, devant son peuple, sur son Tour national, de plus Aru est bien présent sur cette Vuelta mais Nibali aussi… Ne connaissant peu le niveau actuel de ces coureurs, et connaissant le sens tactique légendaire des Astana il n’est pas impossible de voir chaque coureur faire sa propre course.

Et à ce petit jeu-là, l’espagnol est probablement le plus frais de l’équipe Kazakh et celui qui aura le plus envie de bien faire, porté par son public. Alors bien sur il faudra lutter contre les Pozzovivo, Van Garderen, Froome, Quintana, Valverde, Rodriguez, mais Landa tirera surement profit des bagarres de favoris et du fait que Nibali et Aru seront les hommes les plus surveillés dans son équipe…
Alors Landa sera-t-il équipier modèle ou laissera-t-il sa puissance et son caractère parler devant son public ?


Photo : Movistar Team

Nairo Quintana

Olivier Perrier

Pourquoi Nairo Quintana ? Parce que la tendance veut que la Vuelta soit devenue le Grand Tour qui correspond le mieux aux grimpeurs. Il aurait même tendance à supplanter le Giro sur ce terrain-là, surtout depuis que la ronde espagnole a décidé d’explorer des chemins de chèvres, à peine carrossés et ce, depuis une quinzaine d’années (Angliru, Cuitu Negru, la Gallina, Bola del Mundo, Puerto de Ancares et j’en passe). Et contrairement à bon nombre des favoris de cette Vuelta, Quintana est celui qui a couru le moins, ou presque, depuis le début de saison. Et c’est peut-être cette forme de fraicheur qui avantagera le petit colombien qui, en plus, possède une soif de revanche eu égard à son échec de l’an passé sur la Vuelta. Rappelez-vous, il portait le maillot rouge de leader lorsque dans le contre-la-montre, il s’affala au sol avant le lendemain, de tomber une nouvelle fois en Navarre en direction de San Miguel de Aralar et de se fracturer l’omoplate.

Face à lui, le plateau est des plus relevés, jugez plutôt en voyant le nom de ses adversaires : Froome, Nibali, Aru, Landa, Rodriguez, Van Garderen, Pozzovivo et…Valverde ! Oui, le murcian, son propre équipier, sera l’un de ses adversaires. Dites, ne me faites pas croire que Valverde a été un équipier modèle lors du précédent Tour de France, ce dernier ayant plus joué sa place sur le podium que le maillot jaune pour Quintana. Et figurez-vous que ce podium a tout simplement aiguisé l’appétit de Valverde, il déclarait en effet après qu’il se sentait encore capable de jouer la gagne sur un Grand Tour, et 6 ans après son succès au classement général, il se verrait ajouter une deuxième Vuelta. La cohabitation s’annonce particulière, mais par chance pour Quintana, l’équipe Colombia est au départ de cette Vuelta et au jeu des alliances de circonstances, pas impossible que le vainqueur du Giro 2014 bénéficie d’un soutien patriotique. De quoi renforcer la sérénité qui se lit très souvent sur le visage de Nairo Quintana, un Quintana qui pourrait bien ajouter un deuxième Grand Tour à son palmarès.


Photo : Team Sky

Chris Froome

Tibaldi

Pas la peine de vous faire un tableau, tout le monde est bien au courant de qui est Chris Froome. Coureur méticuleux, le vainqueur de la dernière Grande Boucle s’avance vers l’Espagne avec l’ambition de s’imposer. Une nouvelle fois, les Sky débarquent avec la grosse armada, a priori toute entière acquise à la cause du grand échalas kényan. Mais où se situent réellement les intérêts de Froome? Dans la victoire, bien sûr, mais la bataille sera rude cette année sur la Vuelta, et l’on doute qu’il affiche la même suprématie que sur le Tour. Alors voilà le scénario sur lequel on pourrait mettre une petite pièce : Froome se transformera en fait très vite en équipier de Geraint Thomas et en profitera pour se refaire une virginité médiatique et populaire. Quand on connaît l’obsession de la machine Sky pour la communication et la préservation de son image, tout est possible…


NOS PÉPITES !

Photo : Caja Rural

Carlos Barbero

Tibaldi

Ne cherchez pas plus loin, le principal concurrent de Nacer Bouhanni pour le maillot vert. S’il en est un dont le Vosgien devra se méfier, c’est bien Calos Barbero. Certes Degenkolb et Sagan, deux sacrés clients rentrés bredouilles de leur Tour de France, seront au départ à Marbella, mais ils auront assurément les Mondiaux de Richmond dans un coin de la tête ; pas sûr qu’ils aillent au bout des trois semaines de course.

Restent alors les Drucker, Duque, Reza, Pelucchi, Boeckmans, Rojas, Ewan… et Barbero. Le coureur de Caja Rural, modelé au Pays Basque dans l’antichambre de la regrettée équipe Euskaltel, est l’une des belles révélations du sprint mondial de ces deux dernières saisons. Contraint par le modeste statut de son équipe de se contenter de courses de second plan, il s’est tout de même fait remarquer par quelques résultats d’envergure depuis dix-huit mois : troisième des Championnats d’Espagne en 2014, deuxième cette annnée, il a également enchaîné les victoires et les places d’honneur sur le calendrier ibérique. Mais plus encore que ses résultats, c’est la variété des qualités de Barbero qui en font un adversaire sérieux pour Bouhanni and Co. Coureur passe-partout, il est capable de jouer la gagne sur des parcours très sélectifs, là où des sprinteurs plus classiques passent à la trappe. Téméraire, pas vraiment impressionné à l’idée d’aller frotter avec des gars plus expérimentés (comme en témoigne sa petite incartade avec Lobato sur le circuit de Getxo il ya quelques semaines), cette Vuelta sera son premier grand tour, et nul doute que Carlos Barbero aura à coeur d’y marquer les esprits !


Photo : Equipe Cofidis

Stéphane Rossetto

Olivier Perrier

Souvenez-vous, nous sommes fin juin, la Route du Sud aborde les pentes du terrible Port de Balès. Et alors que Pierre Latour embrase la course à l’avant, dans le groupe de contre où se trouvent Quintana et Contador, un maillot rouge de la Cofidis pédale avec aisance dans leur sillage. S’il n’était pas casqué, on le reconnaitrait à sa coupe de cheveux toujours très travaillée. Ce coureur de la Cofidis, c’est Stéphane Rossetto. Passé pro il y a 5 ans, au sein de la Vacansoleil par le biais des frères Feillu, Rossetto a bien cru qu’il ne connaitrait jamais l’ivresse d’un Grand Tour. En effet, après une saison difficile chez les néerlandais, il dut revenir chez les amateurs au sein du C.C Nogent sur Oise. Là, il y refera ses classes (en gagnant le Tour des Pays de Savoie et le championnat de Picardie en 2012) et en 2013, Stéphane Javalet tend la main au natif de Melun, en lui proposant de rejoindre l’équipe BigMat-Auber. Au sein de cette équipe, il claque ses premiers bouquets en gagnant une étape du Limousin en 2013 et le général des Boucles de la Mayenne en 2014, de quoi lui permettre de rejoindre les rangs de la Cofidis.

Mais revenons au mois de juin dernier, si Rossetto ne réussira pas à suivre Contador et Quintana partis rejoindre Latour à l’avant sur le Balès, le melunais termine 4ème sur les allées d’Etigny à Luchon, de quoi lui assurer la 4ème place du général derrière les trois cités précédemment. Il tient alors une forme étincelante et les observateurs le verraient bien au départ du Tour, surtout après sa 2ème place sur le championnat de France du chrono. Mais on le sait, chez les rouges, on veut miser sur Bouhanni pour le Tour de France et Rossetto ne rentre pas les wagons d’un train pour sprinteurs. Mais chez Cofidis, on annonce très vite que Rossetto sera sur la Vuelta, de quoi lui permettre de bien préparer cet objectif pour celui qui possède une réputation de vrai bosseur. Assez discret sur les feuilles de classement cet été, Rossetto n’a pourtant pas baissé de rythme, témoin sur le dernier Tour de l’Ain où Nacer Bouhanni ne tarissait pas d’éloges sur lui, faisant remarquer que sans lui, il n’aurait pas eu peut-être la chance de gagner les deux sprints massifs de l’épreuve rhône-alpine.

15ème du Critérium International, 4ème du Tour du Yorkshire et de la Route du Sud, il sera intéressant de le voir à l’œuvre sur ces 3 semaines de course. Puisqu’on en est au stade des paris pour cette Vuelta, Rossetto semble avoir les épaules d’un Top 15, qu’il pourra obtenir tout en bossant pour Bouhanni et en épaulant Dani Navarro, le leader des rouges pour le classement général. Un succès d’étape est même envisageable, dans l’une des nombreuses étapes de moyenne montagne où ses qualités s’expriment au mieux. Parmi le fort contingent tricolore (30 coureurs au départ !), il pourrait bien être la bonne surprise française de cette Vuelta.


Photo : Team MTN Qhubeka

Natnael Berhane

Sergeï Gautier

Accompagné de Meintjes et Cummings deux des bonnes surprises de cette équipe Sud-Africaine sur le dernier tour, l’érythréen pourrait surfer sur la vague lancée par son compatriote Teklehaimanot sur le dernier Tour. Et pourquoi pas être le premier noir-africain à porter le maillot à pois sur la Vuelta ! Recruté très jeune par Bernaudeau chez Europcar l’érythréen semblait peiner à progresser après sa première année qui l’avait vu remporter le très beau Tour de Turquie. Relancé cette année par la formation Sud-Africaine, l’érythréen a suivi un été très studieux loin du Tour qui l’a vu terminé 5° du très montagneux Tour d’Autriche, puis 7° du Tour d’Utah après avoir remporté le titre de champion d’Erythrée fin juin. Il aura donc envie de montrer la progression qu’il a suivi et de marquer les esprits avec son beau maillot de champion national. Rappelons qu’il n’a que 24 ans et qu’il a déjà terminé la Vuelta l’an dernier, certes à une anonyme 148éme place, mais cette fois il ne part pas dans l’inconnu…


Photo : Katusha Team

Purito Rodriguez

Alex

Il ne fait nul doute que quelques années auparavant, l’annonce d’un tel parcours aurait ravi les aficionados de Purito. Désormais, c’est une pépite qui commence à perdre de son éclat que nous retrouvons sur les routes de son tour national. Et pourtant, il m’est impossible de ne pas le mentionner au sein de ce papier. Certes, sur les routes de la Grande Boucle, il n’a guère pu s’accrocher au jeu du général mais il nous a tout de même gratifié de deux belles victoires, marquées par son explosivité qui semble réellement à l’épreuve du temps. À 35 ans, Joaquim Rodriguez, l’éternel second, pourrait jouer les trouble-fêtes et pourquoi pas contrarier les plans des favoris, ne le voyant pas ou plutôt plus comme une menace. Qui plus est, il pourra compter sur le solide Dani Moreno pour dynamiter à ses côtés la course, très en jambe après sa quatrième place à San Sebastian et totalement dévolu à la cause de son leader, il devra virevolter sur les routes ibériques pour rejoindre une nouvelle formation la saison prochaine.

Si les jambes sont là, il sera tout de même difficile pour Purito d’atteindre le podium car l’imposant chrono individuel devrait lui faire perdre pas mal de temps sur ses concurrents. Pour ma part, je ne serai pas étonné de voir Purito autour de la cinquième place de cette Vuelta 2015. Ce dont je suis certain, c’est qu’il ramènera une étape à la maison.


pierre-rolland-giro

Pierre Rolland

Arthur Pineau

Sachant qu’il quitte Europcar, cette Vuelta peut faire office de Salut après 7 années au côté de Jean-René Bernaudeau. L’année dernière, pour son premier Giro, il signait une belle 4ème place, alors je me dis pourquoi pas nous surprendre sur une Vuelta aux ascensions s’annonçant spectaculaires. Attention cependant car la configuration est totalement différente : il n’avait pas les 3 semaines de Grande Boucle dans les jambes, et en Juillet, il a dépensé beaucoup de force. Mais tout demeure possible, et Europcar devra montrer le maillot pour que Bernaudeau puisse trouver enfin un repreneur et empêcher son navire de couler. Quoi de mieux que Rolland pour montrer et mouiller le maillot ? Je le vois bien sortir du lot pour disputer un maillot distinctif, un peu à l’image de David Moncoutié. Ce serait pour Rolland la meilleure manière de remercier Bernaudeau et Europcar pour ces années passées. Les petits hommes verts n’ont plus rien à perdre et donc réellement tout à donner sur les routes de ce Tour d’Espagne.


Vous voyez, ce Tour d’Espagne offre un plateau très relevé. Il sera très intéressant à suivre, avec de nombreux coureurs pour qui il s’agira de la dernière course de la saison. Beaucoup souhaiteront également obtenir leur billet pour les championnats du monde, ce qui devrait donner lieu à de nombreuses attaques, et à un beau spectacle. De quoi se réjouir pour les trois semaines à venir !

Et vous les amis, vos pépites et favoris ?