[dropcap size=small]S[/dropcap]ous les feux de la rampe depuis le 13 juillet et la prise du maillot jaune sur les routes du Tour de France par son conjoint Tony Gallopin, Marion Rousse a vu sa côte de popularité grimper en flèche. Une aubaine pour le cyclisme féminin qui se retrouve, une fois n’est pas coutume, au centre des médias alors que la « Course By le Tour » arrive à grand pas.

Malgré une vie à 1000 à l’heure entre ses rôles d’ambassadrice du grand prix de la combativité d’Antargaz, de consultante pour Eurosport, les nombreuses sollicitations médiatiques et, bien sûr, ses entraînements, Marion Rousse nous fait tout de même le plaisir de dérailler en notre compagnie.

Bonjour Marion, le cyclisme féminin est assez peu médiatisé ; qu’est-ce qui a déclenché chez vous l’envie de le pratiquer au haut niveau ?

C’est un peu particulier car toute ma famille a pratiqué le vélo, mon père était coureur il en a fait plus de 10 ans en première catégorie, mes cousins étaient professionnels. Ce sont  Laurent Lefèvre David Lefèvre et Olivier Bonnaire.

En fait je suis même née sur une course à vélo.

Depuis mon enfance, je suis bercée par les courses de vélo .C’est un peu toute ma vie donc ça a été inévitable.

Depuis toute petite, je suis aussi vachement sportive, pour vous dire je savais à peine marcher que je courais autour de la table du salon.

– Mes parents me demandaient « Mais qu’est-ce que tu fais Marion ?»

– Je leur répondais « je fais mon entraînement »

Et après c’était même trop simple, je mettais des chaises en difficultés pour passer en dessous et au-dessus, je pense que j’avais vraiment un besoin de me dépenser et puis bon le vélo je regardais, je voyais ça, j’allais tout le temps sur les courses à vélo. Je pense que c’était dans mon tempérament.

Et du coup concernant vos modèles cyclistes, c’était ceux de la famille ou est-ce que vous en aviez d’autres ?

En fait au début, quand j’ai commencé le vélo, j’avais 6 ans donc forcément j’avais un peu comme modèle mes cousins comme Laurent Lefèvre, ils avaient des bons résultats.

Après j’aimais bien les sprinters Eric Zabel, Robbie Mc Ewen et Tom Boonen comme beaucoup de personnes, enfin je ne m’identifiais pas vraiment à une seule personne et voilà pour mes trois chouchous du départ.

Il y en avait donc plusieurs mais aucun modèle féminin ?

Les cyclistes féminines déjà à cette époque-là on n’en voyait pas beaucoup à la TV donc c’était un peu comme tous les gens je connaissais Jeannie Longo mais voilà à 7-8 ans c’est vrai que je ne connaissais pas grand monde.

Maintenant, on va passer à des questions plus portées sur votre actualité et vos préférences.

Concernant votre format de courses, vous êtes plutôt portée davantage sur les courses de début de saison ou des courses à étapes du style le Tour de l’Ardèche ?

Plutôt début de saison, je suis à la frontière belge, mes parents habitent dans le nord. J’ai fait mes gammes en Belgique, je faisais déjà depuis que je suis junior les courses belges alors c’est vrai que pour moi le début de saison est important et encore plus maintenant vu mon emploi du temps chargé.

L’été souvent je n’ai pas beaucoup le temps pour moi donc c’est pour ça que l’hiver j’en profite pour faire un bon hiver et arriver assez tôt en forme.

2 ans que vous êtes chez Lotto Belisol, est-ce que vous voyez une différence logistique humaine, matérielle  par rapport aux équipes françaises dans lesquelles vous avez couru ?

Niveau matos, je pense que chez Futuroscope on n’avait peut-être rien à leur envier car on avait un bon mécano, on avait des bons vélos, des bonnes roues. Bon là c’est vrai que chez Lotto on a un des meilleurs vélos mais voilà niveau matos je pense que c’est un peu pareil.

Après, ce qui fait la différence forcément c’est que je peux profiter de l’expérience des grandes leaders et puis ce n’est pas forcément la même mentalité.

Quand tu pars à l’étranger, c’est aussi un défi personnel : il y a une nouvelle culture, tu apprends l’anglais forcément donc je pense que c’est un nouveau départ pour moi aussi et puis niveau financier, c’est sûr que j’ai un peu plus de dédommagements que lorsque j’étais à Futuroscope.

Et concernant l’infrastructure, Lotto possède une équipe professionnelle  Hommes  dans laquelle évolue notamment Tony (Tony Gallopin), est-ce que vous pouvez en bénéficier ? Notamment pour les stages par exemple …

Alors, en fait, on a quelques stages en commun avec la présentation.

Après, sur les courses, il n’y a pas beaucoup de courses en même temps que les hommes donc  on ne  les voit pas vraiment beaucoup dans l’année mais bon déjà je pense que c’est un bon moyen de développer le cyclisme féminin que de faire une équipe filles  en même temps que les garçons car cela permet aux gens de retenir plus facilement l’équipe et de montrer son importance.

« La course by le tour » arrive bientôt, quel va être votre rôle sur cette course ?  On va vous voir plus comme une coéquipière ou est-ce que vous aurez votre carte perso’ ?  

En fait je pense que je serai ni l’une ni l’autre (rires).

Antargaz est venue  me chercher très tôt dans la saison pour devenir l’ambassadrice du prix de la combativité et donc quand ils m’ont proposé le rôle en me disant « pour changer, pour notre première année sur le tour de France on aimerait avoir une ambassadrice fille qui connaisse bien le vélo au lieu d’avoir une miss un peu à l’ordinaire comme tout le monde »

Sauf que quand ils(Antargaz) me l’ont proposé,  « la course by le tour » n’était pas encore apparue sur le calendrier, j’ai accepté et donc quand elle est apparue, je me suis dit « ah ça risque d’être compliqué pour m’entraîner avec le tour ! »

En tout cas j’avais mis toutes les chances de mon côté, je prenais mon vélo à chaque fois dans le coffre, je me tôt le matin pour faire du Home Trainer mais je pense que vous savez qu’à ce niveau-là, ça ne suffit pas parce que je m’entraînais, je m’entraînais mais j’accumulais plus de fatigue qu’autre chose et là la seule semaine où je suis à la maison,  je passe la journée sur le plateau d’Eurosport donc je n’ai  pas vraiment le temps de m’entraîner et je vais pas prendre le départ pour faire figuration.

Puis chez Lotto Belisol, on a une belle carte à jouer avec Jolien d’Hoore .Donc là j’ai reçu la convocation parce que j’étais prévue dans l’équipe et ce matin j’ai eu une discussion avec mon directeur sportif et il a très bien compris .Il me dit « en plus avec les émotions que tu es en train de vivre avec Tony je comprends que ce sont des moments exceptionnels et que c’est dur de passer au-dessus » donc je pense qu’on a pris un peu la décision ensemble.

On attend encore un peu les prochains jours pour  voir l’état de ma forme.

En tout cas je préfère être honnête avec mon équipe et voilà si je ne peux pas être à 100 % je pense qu’il vaut mieux que je sois sur le bord de la route en tant que consultante et essayer de faire découvrir au mieux le cyclisme féminin.  Pour le coup, je ne serai pas inutile.

Donc, si vous n’êtes pas alignée sur cette course, ça n’est pas un signe de mauvaise entente avec votre équipe ?

Non, pas du tout.

 je préfère être honnête avec mon équipe et voilà si je ne peux pas être à 100 % je pense qu’il vaut mieux que je sois sur le bord de la route en tant que consultante
« Je préfère être honnête avec mon équipe et voilà si je ne peux pas être à 100 % je pense qu’il vaut mieux que je sois sur le bord de la route en tant que consultante »

D’ailleurs, vous continuez chez Lotto l’année prochaine ?

Oui, en tout cas c’est prévu.

Je me sens très bien dans cette équipe elle est cool, je suis moi-même assez cool alors il ne me fallait pas une équipe trop stricte et puis les belges ça me correspond entièrement.

Et fin Août, on va vous voir au Grand Prix de Plouay ?

Oui, je suis prévue aussi.

Rassurez-vous j’ai eu une période assez off avec le tour de France mais là à partir d’ Aout avec la route de France. Je me remets en selle ! (rires)

On poursuit avec la question suivante, quelle est votre plus grande joie en tant que cycliste ?

Je pense que c’est mon double titre au championnat de France. (Saint Amand les Eaux 2012)

De devenir double Championne de France en plus c’était devant toute ma famille parce que je suis Nordiste donc tout le monde avait fait le déplacement.

C’est  vraiment un souvenir que je n’oublierai jamais. Je pense qu’il y a des jours où tout nous réussit et là ça en faisait partie.

En plus quand on est espoir et qu’on a deux fois la Marseillaise pour soi, c’est quelque chose qui marque.

En fait c’est votre plus grande victoire … 

J’avais aussi gagné la ronde de Bourgogne l’année précédente.

C’était ma  première année chez Futuroscope donc voilà La ronde de Bourgogne c’était une course vraiment réputée et connue pour être très très dure et j’avais  battu cette année-là l’Italienne Elena Cecchini qui cette année termine deuxième du championnat d’Europe espoir  parce qu’elle lève les bras trop tôt. C’est  donc  marrant aussi de la revoir à ce niveau-là.

Maintenant que vous avez ce rôle de consultante, vous avez un peu plus de recul pour nous répondre à la question suivante. Est-ce que vous pensez qu’un jour le Tour de France féminin pourra faire son retour ?

En tout cas, c’est un peu notre démarche. Avec les filles on a fait une pétition déjà pour qu’on comprenne un peu notre cause et ils ont été super rapides ; donc je tiens à les remercier déjà car réaliser la même course sur les champs Elysées le même jour: chapeau.

Logistiquement ça ne doit pas être évident, c’est une grande avancée et on essaie de travailler pour qu’il y ait une course par étapes  qui se crée par la suite.

Je pense, maintenant que j’ai vu comment ça se passait dans les coulisses du Tour de France, que ça sera difficile de pouvoir le faire en même temps mais pourquoi pas à un autre moment.

Puis il y a peut-être d’autres  avancées  à faire avant, notamment en termes de salaire minimum ?

Oui, déjà, il y a peut-être 10-15 % du peloton qui arrive à  un salaire digne de dire de pouvoir en vivre en pratiquant ce sport.

Une cycliste disait dernièrement qu’il faudrait déjà mettre en place un salaire minimum dans le cyclisme féminin pour pouvoir participer à la course la plus difficile au monde.

Voilà, il faut qu’il y ait des évolutions avant. Il faut déjà faire avancer le cyclisme féminin et créer des courses qui ont de l’importance.

En parlant d’importance, le Giro Rosa, certes, on ne peut pas le comparer au Giro Masculin mais peut-on dire que c’est la plus grande course par étapes du calendrier féminin ?

Le Giro féminin, malheureusement je n’ai jamais eu la chance de pouvoir y participer.

L’année dernière, c’était pendant les championnats d’Europe Espoirs auxquels je  participais et donc je n’ai pas pu le faire et cette année je suis sur le Tour de France donc j’ai un regard extérieur.

Mais je trouve que oui c’est la course par étapes  la plus importante mais je pense aussi que «  la route de France » niveau hébergement peut rivaliser avec le Giro.

Un Giro Rosa dans lequel s’est illustrée dernièrement votre coéquipière Emma Pooley en remportant les deux dernières étapes notamment.

Oui, elle a remporté trois étapes donc … faut le faire !

D’avoir Emma Pooley dans les rangs, j’étais super contente parce qu’en plus en début de saison, on a fait un stage et la présentation ensemble et moi j’étais un peu: « Emma Pooley quand j’étais petite et que justement je regardais les étapes du tour féminin, je la voyais toujours aux avants postes ».  Donc l’avoir en tant qu’équipière ça me fait plaisir.

Et puis elle remporte trois étapes avec panache.

Tout à fait, elle gagne avec la manière !

Maintenant une question même si on a notre idée sur votre réponse. Après votre carrière est-ce que vous envisagez une reconversion en consultante ou en commentant un peu comme vous le faites actuellement ?

Oui, c’est vrai que c’est un petit peu le but.

En fait c’est Guillaume Di Grazia quand j’ai été championne de France qui est venu me chercher pour faire l’émission « Les Rois de la Pédale ».

Donc j’avais accepté et quand on m’a vue sur le plateau, l’équipe 21 s’est manifestée pour que je vienne faire quelques étapes sur le Tour de France . Ensuite ça a été Bein Sports pour faire l’avant course sur le Giro.

Après j’ai recroisé Guillaume Di Grazia qui m’a dit « écoute, si ça t’intéresse on a peut-être un rôle à te proposer sur la Vuelta », il a tenu parole, il est venu me rechercher quelques jours plus tard en m’expliquant son projet et puis en fait ils étaient super enchantés  sur le plateau avec toute l’équipe, ils sont géniaux !  Jacky(Durand), Richard(Virenque), Christophe(Moreau) … c’est une super bande de potes  et tout de suite je me suis sentie à l’aise et puis de là Guillaume m’a dit « si ça t’intéresse, nous on aimerait te garder, on est content !»

Et donc là en plus c’est vrai qu’ils m’ont donné un rôle important : c’est moi qui fais  le magazine de la coupe de France.  Moi qui n’ai jamais fait de journalisme, c’est un peu osé de me laisser comme ça interviewer les coureurs .Cela  montre que Guillaume est quelqu’un de très bien qui  laisse la place aux jeunes et qui leur fait confiance.  Donc oui , au niveau de la reconversion, c’est vrai qu’avec Guillaume on s’est pas mal posé la question et il me proposait , quand  j’arrêterais ma carrière, de suivre  des cours de Journalisme en alternance pour peaufiner un peu tout ça.

Donc (une reconversion) c’est dans les clous en tout cas.

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« C’est une super bande de potes et tout de suite je me suis sentie à l’aise »

Et puis maintenant, vous connaissez un peu tout le monde : Bein, l’équipe21, Eurosport .Donc la reconversion devrait se faire sans problème.

Après c’est vrai que Bein m’avait aussi proposé de faire les championnats du Monde et donc c’était une décision délicate (entre Eurosport et Bein) à prendre mais Eurosport c’est vraiment une famille et Guillaume c’est celui qui m’a lancé.

On peut donc dire qu’il y a une certaine fidélité…

Oui… d’une certaine façon c’est vrai.

Je me sens bien là puis on verra par la suite. Après on ne sait jamais de quoi demain est fait.

Mais parfois, ne vous posez vous  pas la question d’arrêter car cela doit être difficile de concilier les deux (journalisme + cyclisme) ?

J’avoue que j’ai eu une période, en fait dans le début de saison, où j’ai fait peut être fait l’erreur de vouloir m’entraîner autant que l’année dernière quand je faisais que du cyclisme.

Sauf que forcément, j’accumulais trop de fatigue et j’étais plus fatiguée qu’autre chose donc je pense qu’il faut vraiment que je m’entraîne autrement.

Peut-être plus en intensité et moins en long donc ce sont des petits réglages à faire mais c’est clair que je ne pourrais pas non plus faire ça encore des années car c’est vraiment fatiguant. J’ai une vie à 1000 à l’heure mais je pense qu’arrivée à un moment , le corps il commence à dire « stop ».

Une question bonus qui nous tient à cœur sur le Dérailleur par tradition : le pire moment où vous avez déraillé ?

Ah bah j’en ai une bonne !

Je devais avoir 6 ans et en fait je m’entraînais toujours avec mon père  et on avait pour habitude quand on arrivait à 300-400 mètres de la maison de faire un sprint tous les deux.

Et donc là je passe le grand plateau sauf que j’avais mal mis ma vitesse du coup ça c’est bloqué et là j’ai fait un soleil.

Du coup j’ai dérapé carrément sur tout le visage. Quand je vous dis tout le visage, quand je me suis relevée c’était comme si j’étais une grande brûlée ! Tout avait gonflé, ça s’arrêtait juste au niveau de l’œil.

Donc voilà, c’est quelque chose qui m’est resté longtemps et je n’en garde pas forcément un mauvais souvenir puisqu’au final ça ne faisait pas mal mais bon je revois toujours l’image où moi je me vois allongée  dans le fossé et mon père qui était sur le vélo qui ne venait même pas me rechercher tellement il avait peur (rires) donc je me suis relevée toute seule.

J’avais mal juste à mon genou alors que c’était une toute petite plaie ! Puis moi je ne pensais pas trop à mon visage et j’ai vu la tête de mon père commencer à se décomposer quand il me regardait.

Au final quand je me suis vue dans une glace et que j’ai dû aller à l’hôpital, tous les gens étaient  assez impressionnés « oh lala elle va être défigurée » (rires)  et heureusement j’ai bien cicatrisé.

Sur ce coup là j’ai bien déraillé !

Je pense que ce souvenir a dû choquer mon père. Il s’en est voulu un peu, il s’est demandé pourquoi on avait sprinté.

Enfin au final, ça ne reste pas un bon souvenir mais pas un mauvais non plus.

C’est sûr que ça aurait pu être pire !

Oui surtout que comme je vous dis, ça ne me faisait pas particulièrement mal. Juste que j’avais l’œil enflé et que je ne voyais plus bien.

Plus de peur que de mal, on doit quand même avoir peur sur le coup.

Oui, puis ma mère quand je suis arrivée dans les bras de mon père.

Elle lui a demandé « mais qu’est-ce que tu lui a fait ? »

Et il n’y a pas eu justement une période où du coup vous n’aviez plus envie de rouler après une telle chute ?

Ah non pas du tout… pas du tout !

En fait j’étais vachement casse-cou quand j’étais petite. On devait m’emmener toutes les semaines à l’hôpital car j’étais un peu trop dynamique à courir partout, à faire des bêtises et donc ce n’est pas ça qui allait m’arrêter.

Quelques semaines après, j’étais en train de patiner et à me faire un traumatisme crânien donc ça ne m’a pas du tout affolé.

Enfin maintenant quand je tombe, après j’y pense. C’est là que je sens que j’ai vieilli !

C’est sur cette anecdote que notre interview prend fin, un grand merci à Marion Rousse pour sa disponibilité.

Crédit photo: Sindy Thomas – EUROSPORT

Remerciements particulier à Sophie.K d’Eurosport