Quand vous voyez arriver derrière vous, dans le trafic, un vélo qui fonce à la vitesse d’une mobylette, ne paniquez pas : ce n’est probablement pas un cycliste en retard, mais bien un speed bike… Élégant mélange de fougue et de technologie, ce deux-roues fait jaser, autant par sa promesse de liberté que par les obstacles réglementaires qui jalonnent sa route en France. Alors, le speed bike va-t-il réussir à détrôner la voiture et révolutionner notre quotidien ? Suspense…

Un bolide camouflé en vélo classique… ou presque !

Au premier coup d’œil, le speed bike, ou speedelec (pour les intimes), ressemble à s’y méprendre à un vélo classique ou à assistance électrique. Mais, si l’on y regarde de plus près, quelques indices trahissent sa véritable nature : roues un peu plus larges, cadre épais recelant une batterie puissante, allure de sportif prêt à battre Usain Bolt sur deux roues. Mais ce qui frappe surtout, c’est sa vitesse : homologué pour rouler jusqu’à 45 km/h en France, il laisse sur place les vélos à assistance électrique bridés à 25 km/h. Quand il vous double dans le trafic, c’est simple : vous ne le voyez presque pas passer, une vraie flèche !

Ce n’est pourtant pas une nouveauté. Né dans la foulée des VAE il y a une dizaine d’années, le speed bike combine puissance (de 500 à 4 000 W selon les modèles) et autonomie accrue. De quoi envisager des trajets domicile-travail plus longs et rapides, sans passer par la case embouteillages en voiture. Bref, le speed bike offre un compromis savoureux entre le vélo et la moto… mais en France, il est classé du côté des cyclomoteurs (avec les scooters et mobylettes), pas des bicyclettes. Voilà qui change tout !

Le succès fulgurant chez nos voisins… et la lenteur bien française

Dans d’autres pays européens, le speed bike ne cesse de gagner du terrain. En Suisse, aux Pays-Bas, en Allemagne ou encore en Belgique, il fait sensation. Le site belge DH Les Sports + le qualifie d’« hypertendance », déjà « très répandu en Flandre ». En Suisse, l’adoption est bien réelle : selon une étude du bureau 6t et de l’Ademe, on comptait déjà 16 508 unités vendues en 2017 !

Cette popularité ne doit rien au hasard : selon Les Échos et le cabinet 6t, le speed bike pourrait bien remplacer la voiture sur des trajets là où les vélos classiques (et même les VAE traditionnels) semblent trop lents. Mieux encore, il représenterait une solution pour décarboner la mobilité dans les zones peu denses.

Côté hexagonal ? C’est beaucoup plus timide. En France, les ventes peinent à décoller : 848 unités seulement ont trouvé preneur en 2017, et la tendance n’a pas vraiment changé depuis. Julien Bordier, du magasin Cyclexperts E-City à Rennes, confie sans détour : « Nous sommes ouverts depuis un an, nous proposons un modèle de speed bike mais nous n’en avons pas encore vendu. Ce n’est pas un gros argument de vente. » Ambiance.

Règlementation corsetée et accès… semé d’embûches

Pourquoi ce manque d’engouement en France ? D’abord, la réglementation fait pâlir d’avance plus d’un cycliste motivé. Comme le rappelle le journal L’Équipe, le speed bike, considéré comme cyclomoteur, impose son lot de contraintes :

  • Casque homologué cyclo obligatoire (exit le casque de vélo standard !) ;
  • Assurance spécifique requise ;
  • Carte grise indispensable ;
  • Immatriculation à apposer sur l’engin ;
  • Et pour les moins de 36 ans (nés après le 1er janvier 1988) : permis AM obligatoire (équivalent au BSR).

À cela s’ajoutent des règles de circulation bien plus strictes : comme tout cyclomoteur, le speed bike n’a pas le droit d’emprunter pistes cyclables, trottoirs ni de rouler à contresens dans les voies à sens unique. Fini le côté « passe-partout » du vélo classique !

Julien Bordier est clair : « Le speed bike permet de gagner en vitesse mais il présente plus de contraintes qu’un VAE, il est moins passe-partout. Et comme nos clients sont très axés sur la ville, ça a moins d’intérêt pour eux. Entre les feux et les pistes cyclables, le vélo bridé à 25 km/h suffit. »

En prime, rouler plus vite dans une circulation dense, au milieu des voitures et des piétons, augmente inévitablement le risque d’accident. Le speed bike exige donc une vigilance accrue, loin de la balade tranquille sur piste dédiée.

Pour qui, à quel prix ? Et la voiture alors… ?

Si le speed bike n’est pas l’outil miracle pour tous, il trouve néanmoins son utilité pour les salariés ou habitants des zones périphériques ou semi-rurales. Ceux qui ont au moins 10 km à parcourir, sur des routes dégagées, pourraient y voir un allié précieux pour bouder la voiture… à condition d’y mettre le prix !

Car là aussi, il faut pédaler fort : pour un modèle de base, comptez au minimum 4 000 €. Certaines marques – VanMoof, Fuell, Trek, Gazelle – développent régulièrement de nouveaux modèles et Moustache Bikes, dans les Vosges, propose même des modèles à 6 900 € et 7 900 €. Sur leur site, l’argument est imparable : « accomplir de longs kilométrages au quotidien dans un temps limité tout en souhaitant laisser la voiture au garage ».

En résumé, le speed bike allie performance et écologie pour ceux et celles qui s’en donnent les moyens et vivent hors centre urbain trop dense. Saura-t-il séduire les cyclistes et automobilistes français autant que dans les pays voisins ? L’avenir (et la réglementation…) nous le dira.

Prêt à passer à la vitesse supérieure ? Faites vos comptes, débroussaillez la paperasse… et, qui sait, un jour la route vous appartiendra peut-être – flèche oblige !