Un simple atelier vélo peut-il faire pédaler la polémique plus vite que le Tour de France ? Visiblement oui ! Paris voit resurgir le débat sur la discrimination en découvrant des ateliers de réparation réservés à certaines identités de genre. Retour sur une affaire qui bouscule la chaîne… sociale.
Un atelier qui déraille et soulève la toile
Tout commence vendredi 4 juin. Aurélien Véron, élu d’opposition au Conseil de Paris, tombe sur une annonce intrigante dans l’agenda en ligne QueFaire.Paris, plateforme officielle de la mairie. Il y découvre l’atelier vélo baptisé No’Mec Anique. Organisé une fois par mois par l’association La Cycklette dans le 11e arrondissement, ce rendez-vous affiche clairement la couleur : « en mixité choisie (femmes, personnes trans, personnes non binaires), pour faire de la mécanique dans un espace libéré des rapports de domination genrés ».
Forcément, le sujet fait grimper la tension sur les réseaux sociaux plus vite qu’un coureur dans l’Alpe d’Huez. Face à la tempête, la mairie de Paris décide de supprimer la page de son agenda. Sur Twitter, la municipalité explique : « Les valeurs de Paris, ville ouverte et universaliste, impliquent aussi de refuser toute forme de discrimination liée au genre ou à l’orientation sexuelle. Nous avons donc supprimé la fiche concernée. »
La polémique enfourche un deuxième cadre
Mais Aurélien Véron n’en reste pas là : il signale ensuite un autre atelier de cycles référencé sur le même site, qu’il estime tout aussi « discriminant ». C’est la soirée Maniv’Elles, proposée par la Cyclofficine dans le 20e arrondissement. L’annonce précise que ce créneau d’auto-réparation « est réservé aux femmes et aux personnes issues des minorités de genre », car, selon l’association, « des stéréotypes règnent toujours dans notre société et, malheureusement, ne s’arrêtent pas aux portes de nos ateliers ».
À l’heure où nous écrivons ces lignes (comme quoi, tout va très vite à Paris, surtout sur deux roues), la fiche est encore présente sur QueFaire.Paris, même si tout laisse penser qu’elle pourrait disparaître, suivant le pavé jeté dans la mare par la suppression précédente.
La Ville de Paris sur la sellette
Ce qui pose, bien évidemment, la question de la responsabilité de la Ville en tant qu’éditrice du site. L’agenda Que Faire à Paris se veut contributif : ce sont les Parisiennes et Parisiens qui soumettent leurs événements, et « les fiches ne sont modérées que si elles contreviennent aux lois et règlements ». Ce fonctionnement a été vérifié en se rendant effectivement sur la plateforme. Mais lorsque le débat touche à la légalité, la chaîne devient tout de suite moins huilée.
Il y a quelques semaines, Le Figaro s’était déjà penché sur la légalité de la non-mixité raciale dans les événements associatifs, recueillant l’avis de plusieurs avocats. Selon les articles 225-1 et 225-2 du Code pénal, il constitue une discrimination d’établir une distinction entre personnes selon l’origine, le sexe, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre – et cela s’applique aussi aux associations. Pourtant, l’article 225-3 introduit une exception : ces dispositions ne s’appliquent pas lorsqu’il s’agit de la « promotion de l’égalité des sexes ».
En selle sur la ligne de crête du sociétal
Dans un contexte où la société est extrêmement attentive à tout ce qui touche à la discrimination, la réaction ne s’est pas faite attendre. Certains y ont vu un nouvel exemple de « dérive » et une illustration d’une « nouvelle hystérie » alimentée par la sphère politique, médiatique ou militante.
- D’un côté, les associations défendent des espaces protégés pour briser les stéréotypes et encourager la prise en main mécanique par les femmes et les minorités de genre ;
- De l’autre, des élus et citoyens s’alarment d’une possible entorse à l’idéal d’universalité et d’égalité, allant jusqu’à évoquer l’illégalité potentielle de tels événements.
La Ville de Paris, contactée, n’a pas apporté à ce stade de réponse sur la seconde fiche épinglée.
Si la route vers l’égalité est parfois semée de clous – et pas seulement dans les pneus des cyclistes – une chose est sûre : toute tentative de réserver certains espaces, mêmes associatifs, ne passe plus inaperçue. La loi prévoit des exceptions pour la promotion de l’égalité hommes-femmes, mais la polémique, elle, enfle au rythme du pédalage militant et des réactions officielles.
Chacun pourra juger selon son guidon : faut-il plus d’espaces spécifiques pour réparer la société, ou reprendre la route d’une mixité « à la française » sans distinguo ? Ce qui est certain, c’est que la question n’est pas près de rétrograder dans la roue de l’actualité parisienne. À vos casques, le débat promet encore quelques tours de piste !







