Quand le peloton se disperse et que même les pros du vélo pédalent dans la semoule : le numéro un européen Accell Group vacille dangereusement, entre dettes cyclopéennes, surstock et restructurations. Selon Moody’s, le risque de défaut de paiement est désormais jugé « très élevé » d’ici six mois. La petite reine a des roues qui grincent…

Accell Group : la course devient périlleuse

Le groupe Accell, leader du marché du vélo en Europe, traverse une tempête financière rarement vue sur la ligne d’arrivée. Même si ses principaux actionnaires ont consenti à alléger la dette impressionnante de l’entreprise – passée de 1,4 milliard à 800 millions d’euros (ce qui laisse tout de même un peloton conséquent de zéros) –, le groupe peine toujours à sortir la tête du guidon.

Les causes du marasme ? D’abord un problème de surstock qui aura coûté cher au fil des mois, ajoutant à une situation financière morose. Impossible de brader discrètement plusieurs milliers de vélos électriques dans un vide-greniers, même quand on s’appelle Accell…

Quand Moody’s déraille la confiance : rétrogradation historique

Malheureusement, les renforts de capitaux n’ont pas suffi à rassurer les marchés. Moody’s, célèbre agence de notation, a en effet suivi l’exemple de Fitch Ratings : la note d’Accell est rétrogradée de « Caa3 » à « Ca ». Pour ceux qui n’ont pas suivi la saga des abréviations anxiogènes, il s’agit de l’avant-dernière plus mauvaise note du baromètre Moody’s (sur un total de 21 échelons).

Concrètement, la note « Ca » désigne un « actif hautement spéculatif, en défaut ou tout proche du défaut de paiement, avec quelques espoirs de recouvrement ». Pas exactement de quoi bomber le torse lors des réunions d’investisseurs… Moody’s précise même :

  • Liquidité d’Accell jugée toujours faible : seulement 40 millions d’euros de trésorerie prévue en juin 2024.
  • Toutes les facilités de crédit externe sont déjà pleinement utilisées.
  • Le flux de trésorerie disponible devrait rester négatif sur les 12 à 18 prochains mois.

Dans ce contexte, seule une opération de recapitalisation devra permettre à l’entreprise de tenir la route, à condition que les actionnaires et créanciers continuent à jouer les roues de secours intermédiaires.

L’agence conclut : « Cette décision de notation reflète nos attentes quant à la probabilité très élevée d’un défaut de paiement au cours des six prochains mois, ainsi qu’à un faible recouvrement pour les créanciers, compte tenu des termes de l’accord de soutien à la recapitalisation (RSA) proposé par la société ».

Moins de vélos, moins de salariés : la cure d’austérité s’accélère

Pour tenter d’éviter le précipice, Accell Group a pris des mesures drastiques :

  • Réduction des stocks : de 320 000 vélos, le nombre d’unités a chuté à 210 000 en juillet dernier, puis 175 000 très récemment. Le niveau visé : 165 000 modèles.
  • Réorganisation interne : délocalisation d’une partie de la production en Turquie et en Hongrie, zones où la main-d’œuvre coûte moins cher.
  • Effectif divisé par deux sur les sites de production : désormais 150 à 160 salariés.

Autant de mesures qui témoignent de la sévérité de la situation, dans l’espoir visible de réaliser des économies rapides et d’éviter la chute définitive.

Un avenir incertain pour un géant du secteur

La trajectoire d’Accell Group est désormais observée de très près par tout le secteur et pléthore d’observateurs. Difficile d’imaginer un marché européen du cycle sans cet acteur multi-marques, propriétaire de noms célèbres comme Babboe, Batavus, Haibike, KOGA, Lapierre, Raleigh, Sparta ou encore Winora.

Son salut dépend inévitablement d’une recapitalisation réussie et d’un rétablissement financier solide. Un point d’équilibre à retrouver en urgence, sous peine de « se brûler fortement les ailes », et d’entraîner avec lui tout un pan du vélo européen dans sa chute. Si vous envisagiez d’investir dans un vélo neuf, le timing n’a jamais été aussi… cyclique : attendez-vous à des surprises sur les prix (et sur la disponibilité) dans les prochains mois !