Ce samedi, les routes du Tour entraînaient notre courageux peloton vers les premières pentes du massif vosgien.

Un départ assez tristounet, marqué par de poignants témoignages de coureurs, nous rappelant la perte de l’un des acteurs du cyclisme français, à savoir Jean-Louis Gauthier. Nos pensées vont à sa famille et à ses proches. Tout le monde espérait une belle étape afin d’honorer celui qui avait porté le maillot jaune en 1983 et qui aura tant fait pour le cyclisme depuis de nombreuses années.

ALORS-CETTE-ETAPEPar Alex

La route vers Gérardmer, surnommée « la Perle des Vosges » par Abel Hugo, était bien évidemment semée d’embûches. Afin d’anticiper au mieux le final accidenté de cette journée (l’enchaînement de 2 cols de seconde catégorie puis de la côte 3ème catégorie de la Mauselaine), plusieurs têtes brûlées vont fausser compagnie au peloton. Des français comme toujours avec Adrien Petit (Cofidis), Sylvain Chavanel (IAM) et Blel Kadri (AG2R), accompagnés de Simon Yates (Orica), récent troisième des championnats de Grande-Bretagne et de l’hollandais volant Niki Terpstra (Omega), vainqueur de Paris-Roubaix cette saison, si vous avez la mémoire courte.

Très vite, le fossé se creuse entre la tête de course et un peloton, bien décidé à faire tourner les jambes pendant la majeure partie de la journée. De ce fait, à 40 bornes de l’arrivée, la tête de course pointe encore à 10 minutes d’un peloton à l’allure sereine. La pluie, véritable constante depuis l’arrivée en France, vient se mêler du final. On regrette un peu l’absence à l’avant d’Europcar ou de la FDJ.fr dont certains éléments auraient pu sans problème se faire une place au soleil lors du partage des points en haut de Gérardmer. Car oui, cela ne reviendra pas. Sûrement pas. Même si à 30 kilomètres de l’arrivée, l’écart a fondu pour atteindre les 7’40 ».

L’explication entre les cinq peut sembler assez claire, sur le papier tout du moins. Il faudra compter sur Chavanel, qui semble enfin avoir de bonnes sensations et a impressionné par son aisance tout au long de l’étape mais les passages à 10% ne sont pas forcément sa tasse de thé. Blel Kadri, par contre, devrait pouvoir exprimer son talent de grimpeur lors du passage successif des trois difficultés du jour. Terpstra, Yates et Petit ne devraient pas pouvoir s’inviter à la fête. C’est parti pour le Col de la Croix des Moinats (7,6km à 6%) où tout le monde attend de premiers indicateurs sur la fraîcheur des échappés. L’entente va-t-elle se déliter au fur et à mesure des pourcentages ? Oui ! Sylvain Chavanel s’engage et plante littéralement ses compagnons d’échappée en sortie de virage. Seul Blel Kadri semble en capacité de revenir sur son compatriote. Chose qu’il fait mais pas vraiment dans la facilité. Derrière, comme prévu, on se couche sur la bécane et Yates, Petit, Terpstra continuent au courage. C’est donc un duo tricolore qui mène la danse, quel plaisir !

Blel Kadri s’envole dans les dernières rampes de la Croix des Moinats ! Chavanel, malgré sa fougue, ne peut pas prendre sa roue. Deux objectifs pour le coureur de la formation AG2R : revêtir le maillot à pois et bien évidemment ouvrir son compteur, à 27 ans, sur la Grande Boucle ! Le pack se heurte aussi face à la route qui s’élève et Purito Rodriguez (Katusha) est directement dans le dur. La brume, les sapins et la route glissante : voici le tableau de cette fin d’étape. Kadri bascule au sommet avec presque une minute d’avance sur son poursuivant. Intéressant de voir Chavanel animer la course alors que son ex-coéquipier Michal Kwiatkowski -et désormais leader chez Omega Pharma- est à la peine ! Les surprises vont être légion durant ce mois de Juillet. Accrochez-vous !

10 bornes de l’arrivée et Blel Kadri maintient son avance : 4 minutes sur le pack. Tranquille pour le dossard 86, petite anecdote puisqu’il s’agit de son année de naissance. L’écrémage continue dans le peloton et Tony Gallopin (Lotto) ainsi que Christopher Horner (Lampre) décrochent. Pierre Rolland (Europcar) nous inquiète, placé aux dernières loges du peloton mené d’une main de fer par la Saxo Tinkoff.  Incroyable boulot de Michael Rogers ! On le sentait et cela se confirme, Pierre Rolland ne fait malheureusement plus partie d’un peloton devenu désormais le groupe maillot jaune. Fuglsang (Astana), lieutenant fidèle de Nibali et accessoirement très bon grimpeur craque à son Tour. Pépin aussi pour Talansky (Garmin) qui chute, pour la seconde fois en deux jours, et perd un temps précieux en vue du classement général. La Saxo continue à malmener le groupe maillot jaune mais Nibali reste tranquillement dans la roue de Contador.

Et voilà qui est fait ! Après avoir négocié avec une classe folle le final de cette étape, Blel Kadri lève les bras en haut de la côte de la Mauselaine ! Un très beau cadeau pour le public français et même pas besoin d’attendre le 14 juillet, canon ! Le groupe maillot jaune a quant à lui explosé et c’est Contador qui signe la deuxième place, grignotant deux petites secondes anecdotiques sur Vincenzo Nibali. Le Tour de France 2014 prend ses quartiers dans les Vosges et c’est déjà une réussite.

VAINQUEUR-DU-JOURPar Clément

Garçon né à Bordeaux, Blel Kadri a ensuite grandi  avec ses 4 frères et sa mère dans un quartier modeste de Toulouse. Mordu de vélo depuis sa plus tendre enfance, le gamin passe ses journées sur les routes avec ses amis. Cette passion va le conduire loin, très loin ! En 2002, il deviendra vice Champion de France cadets, puis explosera complètement l’année suivante. Année lors de laquelle il remporte le Tour de Basse Saxe junior, puis termine numéro 3 mondial d’un classement où Simon Spilak et Roman Kreuziger dominent les débats. Rien que ça, le talent est là, c’est indéniable ! Cependant, Blel est loin d’être rigoureux et il le payera, car la suite est compliquée. En effet, lors de son passage chez les espoirs, il ne parvient pas à avoir le sérieux qui lui permettrait de viser très haut, il râte le coche en équipe de France. Il rejoint par la suite l’Albi club vélo, se relance et retrouve même sa place en équipe de France.

Le reste est simple, il  devient stagiaire au sein d’Ag2r en 2008, pour ne plus jamais quitter cette équipe. Véritablement attaquant, au potentiel encore flou, il va remporter une victoire de prestige : la Roma Maxima 2013 devant Pozzato et Grega Bole, signant la plus belle victoire de sa carrière. Jusqu’à aujourd’hui ! Et oui, car Blel Kadri a frappé un grand coup en remportant la première étape vosgienne, à  GérardmerLa Mauselaine ! Echappé avec des garçons tels que Chavanel ou Terpstra, il part dans la première ascension et plus personne ne le reverra, si ce n’est le public venu en nombre, heureux de célébrer cette victoire tricolore. Et ce n’est pas fini puisqu’il endosse par la même occasion le maillot de meilleur grimpeur, une journée donc parfaite. La suite ? Difficile à deviner, entouré d’un directeur comme Vincent Lavenu, je crois que l’on n’a pas fini d’entendre parler du bordelais qui a d’ailleurs un rêve : porter le maillot bleu-blanc-rouge. A 27 ans, il lui reste des sommets à gravir, peut être plus difficiles que ceux de cet après-midi, mais ça en vaut surement le coup.