Si vous suivez de près l’actualité cycliste, vous savez que nos instances dirigeantes planchent sur différentes réformes, principalement liées au calendrier et à la promotion de notre sport. Par promotion, j’entends « comment faire rentrer plus d’argent dans les caisses ». Parmi les acteurs actifs de ce type de réforme, nous trouvons le groupement Velon, regroupant les équipes cyclistes professionnelles les plus riches et qui fantasment depuis très longtemps sur ces fameux droits télés imaginés comme une poule aux œufs d’or (ce qui reste encore à prouver). S’il peut paraître louable de se pencher sur le rayonnement du cyclisme, la triste actualité de ce week-end de Pâques, nous rappelle hélas que ce ne doit pas être la priorité du moment.
La disparition d’Antoine Demoitié, au-delà de l’émotion légitime qu’elle déclenche, vient sonner comme l’épisode de trop sur les dangers que subissent les coureurs cyclistes en course. C’est bien le verbe subir qui prédomine et non prendre, car depuis quelques temps, trop d’épisodes viennent démontrer que les coureurs doivent composer avec une certaine insécurité en course. Souvenez-vous de la chute d’Hoogerland et Flecha sur la route de St-Flour sur le Tour 2011, ou plus récemment des accidents vécus en avril 2015 sur le Tour des Flandres (les voitures Shimano qui envoie au tas le néo-zélandais Jesse Sergent, alors échappé sur le Ronde, ou qui percute celle de la FDJ, offrant à Sebastien Chavanel une sacrée frayeur), ou encore sur le Tour du Pays Basque où dans une ligne droite finale, un piquet à peine signalé provoqua un véritable carnage en plein emballage, causant de plusieurs fractures à l’américain Peter Stetina. Et que dire encore de cette moto Shimano, qui percuta Peter Sagan lors du dernier Tour d’Espagne…
Cela vient s’ajouter aux trop nombreux accidents qui frappent les coureurs à l’entraînement. 2016 sonne comme une année noire à ce niveau, cette semaine Degenkolb manque la quinzaine flandrienne sur laquelle il fondait beaucoup d’espoir par exemple, conséquence d’un terrible accident subi en Espagne avec ses équipiers parmi lesquels figurent Warren Barguil, qui lui fait une croix sur ses ambitions de victoires sur les Ardennaises. Bryan Coquard lui, a vu ses espoirs de briller sur Paris-Nice s’effondrer sur les routes espagnoles à la veille du Tour d’Andalousie, retourné comme une crêpe par l’aspiration d’un camion. Un moindre mal néanmoins par rapport aux gars de Vendée U qui pleurent encore la disparition de leur pote Romain Guyot, qui en rentrant d’une séance d’entraînement collectif a perdu la vie.
Trop c’est trop et il est temps que tout le monde se bouge. Nos instances gouvernementales par exemple, qui à travers la Sécurité Routière, devraient arrêter de s’attaquer aux portefeuilles des automobilistes avec les cabines de radars, mais plutôt se pencher sur la cohabitation cyclistes automobilistes, en adaptant réellement les infrastructures routières et en punissant plus sévèrement ceux qui ne respectent pas ce 1 m 50 nécessaire d’espace quand un véhicule double un cycliste. Les instances sportives également doivent se mobiliser pour agir sur la sécurité des coureurs en course. Les réactions du CPA aujourd’hui, par la voie de son président Gianni Bugno, ou encore celle de Brian Cookson président de l’UCI sont bien trop faibles vis-à-vis du contexte actuel. Certes, l’émotion ne doit pas laisser place à la sur-réaction, mais il faut très vite prendre à bras le corps ces questions-là. La réforme du calendrier ou la sacro-sainte chasse aux droits TV rêvée par le groupement Velon par exemple, doit laisser place à de véritables états généraux de la sécurité en cyclisme.
Amis coureurs, c’est à vous peut-être que revient la prise de conscience de nos instances au sujet de votre sécurité. C’est à vous de poser pied à terre afin de sensibiliser tout le monde cycliste au sujet de votre sécurité. De nombreuses avancées quant à vos conditions ont été obtenues par la force. La fin des tiers et demies étapes a été sifflée, quand le peloton du Tour 1978 mené par Hinault, traversa à pied la ligne d’arrivée à Valence d’Agen. Les instances ont écouté les coureurs en 1991, quand il s’agissait de légiférer sur le port du casque, après des grèves sur Paris-Nice et le Tour de France. Chers coureurs, je crois que nous serons nombreux parmi les amoureux de la petite reine à ne pas vous en vouloir si vous faites appel à un droit de grève sur les prochaines courses, nous voulons continuer à vous applaudir sur le bord des routes et nous ne voulons pas continuer à déplorer les victimes à la lecture de nos journaux. Pour que Romain ou Antoine et les autres ne soient pas rejoints dans cette triste échappée, il faut que le cyclisme réagisse et vite.